La « Marie-Anne » par Violette Héranger

Poème
Irène Kwass a bien voulu nous confier un livre de poèmes écrits par sa mère, Violette Héranger-Kwass, dans les années 20. Certains de ces poèmes ont été inspirés par l’Ile aux Moines, dont celui-ci

J’ai vu, sitôt dans l’église,
_ Je crois en Dieu, j’ai la foi,_
Qu’elle se trouvait assise
Devant moi, tout près de moi,
_Je crois en Dieu, j’ai la foi ;

Elle garde le silence
Et se signe avec ferveur,
Sans remarquer, je le pense,
Que j’ai pâli de bonheur.
Elle garde le silence

Quoique se taisant toujours

Je crois qu’elle me devine.

La coiffe de ma voisine
Est comme une aile d’amour.
Je crois qu’elle me devine.

Son tablier est brodé
D’iris clairs et d’œillets sombres ;
Je l’ai longtemps regardé
Frais et chatoyant dans l’ombre,
D’iris clairs et d’œillets sombres.

Le recteur fait son sermon
Terrifiant sur ce qui damne.
_La robe de Marie-Anne
Fait de grands plis lourds et longs.
Le recteur fait son sermon ;dedeIl parle de foi, de doute,
Nous ordonne la piété
Accuse d’impureté,
Et ma voisine l’écoute.
Il parle de foi, de doute…

Ma voisine prie tout bas.
Elle a des coiffes très blanches,
Et ne se retourne pas.
Ma voisine prie tout bas.

Je contemple, le sait-elle ?
Follement ces deux bijoux,
Son châle de vraie dentelle
Et la ligne de son cou.

Mais le sermon se termine,
Elle monte vers le bourg.
Je n’ai vu, de ma voisine,
_Ma voisine, mon amour_

Ni son front, ni ses yeux pâles…
Je n’ai regardé ce soir,
Que les franges de son châle,
Et qu’un peu de velours noir.
Je suis seul dans la chapelle
Mais je ne puis pas prier.
Mon Dieu ! Comment oublier
Son cou mat et sa dentelle,
Et les fleurs fraîches et belles
Au coin de son tablier !…
Ile aux Moines. 1923

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